La métaphore

Définition

Ce qu'en disent les spécialistes

            « Forme la plus condensée de l’image, réduite à un terme seulement. A la différence de la comparaison, ce “phore” (terme comparant) est mêlé syntaxiquement au reste de la phrase, où se trouve habituellement l’énoncé du “thème” (terme comparé). »

Illustrations

Moi, ce que j'en dis...

Credit photo Adobe Stock
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Tsunami et tsunami

 

            Il a fallu la tragédie asiatique de décembre 2004, puis la catastrophe de Fukushima de 2011, au Japon,  pour faire connaître au citadin terrien d’Europe occidentale le phénomène du « tsunami », séisme doublé d’un raz de marée…

            …Et pour que la rhétorique s’en empare presque aussitôt. Tout événement imprévu devient tsunami. Le 5 juin 2011, Françoise Fressoz s’interroge propos de l’ « affaire DSK » : « Simple fait divers ou tsunami politique ? » (lemonde.fr). Autres titres métaphoriques, du même journal, à partir du même phore : « Gare au prochain tsunami financier », (14 juin 2013) ; « Malaisie : un tsunami chinois aux élections législatives » (9 mai 2013)

 

C’est dans l’air

Le succès de cette expression figée est tel que, à peine déformée, elle est devenue le titre d’une émission de télélvision de la chaîne France 5 (« C dans l’air »).

 

Le danger de la métaphore est qu’elle soit prise au premier degré. Ainsi, certains, quelque peu rétifs à la raison, s’imaginent mordicus que l’inspiration, l’énergie, circulent véritablement dans l’air, sous la forme de « bonnes ondes ». 

 

 

La planche à billets

 

 « Les Etats-Unis font marcher la planche à billets » lemonde.fr, 15 octobre 2010.

 

            Dans cette métaphore, le thème est la « création de monnaie », le phore est la « planche à billets ».

            Le processus de la création de monnaie est le mécanisme par lequel la masse monétaire (quantité de moyens de paiement en circulation dans une zone monétaire à un  moment donné)  augmente grâce au crédit. La majeure partie de ces moyens de paiement n’est pas constituée de billets : elle est mise en œuvre par des jeux d’écriture. Ainsi, une banque qui accorde un prêt à un de ses clients « écrit » une somme nouvelle sur le relevé de  compte en banque de ce client.

            Ce mécanisme relève avant tout de relations économiques privées. L’Etat peut intervenir, par l’intermédiaire d’une banque centrale, pour décourager ou encourager le crédit, donc la création monétaire. C’est ainsi qu’en 2010, la Fed (banque centrale des Etats-Unis) est intervenue pour refinancer les autres banques en rachetant des titres de dettes. Cela leur permettait d’accorder davantage de crédits donc de créer davantage de monnaie.

            Ce double phénomène (les initiatives des banques et celle de la banque centrale) est totalement gommé par l’expression « les Etats-Unis font marcher la planche à billets » qui constitue le « phore ».

            Le mécanisme de création de monnaie est comparé au fonctionnement d’une machine appelée « planche à billets » et qui peut évoquer, pour les uns,  une imprimerie, pour d’autres, une planche à repasser (avec risque de catapultage de la métaphore avec une autre, celle du « blanchiment » de l’argent « sale »).

 

             A la différence de la comparaison, il n’y a pas de « comme » dans une métaphore. Serait une comparaison la phrase suivante : « quand le crédit augmente, c’est comme si une machine multipliait les billets en circulation ».

            La métaphore est une comparaison qui ne dit pas son nom, d’où son caractère potentiellement trompeur, propre aux métaphores économiques.

            En effet, l’usage de la métaphore dans la vie quotidienne ne contient qu’un faible risque de mystification. Si votre enfant ou votre petit frère rentre du sport en s’écriant : « je suis mort ! », il y a relativement peu de chances que vous le preniez au mot.

            Il n’en est pas de même de la métaphore économique.

 

          

Le  tonneau des Danaïdes

« …Hollande veut secouer un pays désorienté, qui ne comprend rien à la mondialisation et s’obstine à tendre un généreux filet de protection sociale impossible à financer dans une économie anémique. En France, 57% du PIB sont engloutis (souligné par moi) par l’Etat…. »

Francesco G. Basterra : « La fin du dernier bastion socialiste », El Païs, Madrid, 17 janvier 2014, publié par  Courier International,  n° 1212 du 23 au 29 janvier 2014.

 

            Il faut imaginer un puits sans fond, une sorte de grand trou noir, semblable au « trou noir » évoqué par les astronomes,  dans lequel disparaîtrait l’argent public, soit 57% (il est vrai) du PIB en France. En réalité, l’argent public ne disparaît pas. Comme l’argent privé, il circule. Il fait « pousser » (métaphore encore !) des équipements publics (routes, hôpitaux, gares, aéroports, écoles, etc.), il rémunère des agents des trois fonctions publiques (infirmières, professeurs, cantonniers, policiers, surveillants de baignade…), lesquels assurent des services publics et font vivre par leurs dépenses d’autres agents économiques.

            Deux poids deux mesures : l’argent public serait « englouti », tandis que seules les dépenses privées seraient des dépenses acceptables,  répondant à des besoins. Un ménage, ça consomme, une entreprise, ça investit, une collectivité, ça gaspille. Telles sont les trois personnes de la conjugaison ânonnée par les récitants néo-libéraux.

            Dans la mythologie grecque, les Danaïdes sont les 50 filles de Danaos qui, à l’exception de l’une d’entre elles, assassinèrent leurs cousins le soir de leurs noces. Elles sont condamnées à remplir sans cesse aux Enfers un tonneau percé.

 

Le « printemps arabe » et la « révolte du jasmin », venant après la « révolution orange » ukrainienne, largement dépassée depuis lors, et venant bien après la « révolution des œillets » portugaise de 1974.

 

 

« L’entreprise France »,

         la « ferme France » (version agricole)

         En réalité, la nation n’est pas une entreprise. Il y a des entreprises dans une nation, mais il y a aussi d’autres acteurs, notamment les ménages. Les entreprises installées sur le territoire d’une nation sont  loin de ne former qu’un seul bloc ; elles sont indépendantes les unes des autres et souvent en concurrence les unes vis-à-vis des autres.

            Cependant, la métaphore « entreprise France », est utile pour donner du sens à la notion de « balance des paiements ».

 

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