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Question de génocide

Qu’on le qualifie de génocide ou non, le processus en cours à Gaza appelle naturellement la comparaison avec ceux que l’histoire a reconnus comme tels et par exemple, avec le précédent sans doute le plus connu, en tout cas le plus proche de nous dans le temps : celui du Rwanda. Par certains côtés, ce qui se passe à Gaza, qu’on lui attribue ou non ce qualificatif, a quelque chose de pire encore que ce précédent. Sous quel aspect ? Par son caractère non seulement prémédité mais surtout annoncé.

On me fera sans doute remarquer que le massacre des Tutsi par les Hutu en 1994, malgré la spontanéité de ses enchaînements, avait sans doute lui aussi été prémédité. Mais avait-il été prévu par les victimes ? Or, si la préméditation augmente la responsabilité du criminel, son anticipation par les victimes augmente leurs souffrances. Je m’explique : j’entends ce matin à la radio qu’Israël prévoit une invasion du territoire qui aboutirait à la concentration de ce qu’il reste de la population gazaouie sur une surface de 50 km2 au sud de la bande. Autrement dit, chaque Gazaoui peut s’attendre à mourir de faim, de soif, de maladie s’il n’est pas déjà mort sous les bombes ou les décombres de son immeuble.

 

Il y a entre le génocide rwandais et ce qui est en cours à Gaza la même différence qu’entre un meurtre et un assassinat, ou plus exactement entre un « simple » meurtre (passionnel ou crapuleux, sadique ou froid, calculé ou délirant...)  et une exécution capitale, entre crime « privé » et crime d’État.  Relisons Victor Hugo, réécoutons Robert Badinter, qui nous disent, avec d’autres, que l’attente du condamné à mort, qu’il connaisse exactement l’heure de sa fin ou qu’au contraire il se demande chaque soir si ce ne sera pas pour le lendemain, est en soi une torture.

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