« Trope qui permet de désigner quelque chose par un terme dont le sens inclut celui du terme propre ou est inclus par lui »
« Un sujet » pour « un reportage ».
Exemple : « comme il a été précisé dans le sujet… ». Sous-entendu : « dans le reportage consacré à ce sujet ».
Les « gilets jaunes » : désigne désormais « les personnes portant un gilet jaune »
« L’ Amérique », pour « les Etats-Unis » et « les Américains », pour désigner les habitants des Etats-Unis.
Pour plus ample illustration, voir ICI : « Îles, continents, planètes... »
« Un fusain », pour « un dessin réalisé au fusain »
Cas particulier, la personnification : « Faire d’un être inanimé ou d’une abstraction un personnage réel ».
« Un bruit sourd », « une voix sourde ».
En réalité, ce n’est ni le bruit ni la voix qui sont sourds, ni même la personne qui les entend. En réalité, personne n’est sourd, mais ce bruit et cette voix sont tels qu’une oreille ordinaire les perçoit comme un mal-entendant perçoit un son ordinaire.
Un maillot de bain « sexiste » (!)
- Mais si elle choisit un maillot de bain que vous jugez « sexiste », est-ce que vous renoncez à vos principes ?[1]
Et si l'on en croit la publicité pour une eau minérale, même un bouchon peut être "solidaire".
Le territoire, la nation, l’Etat
« … La France a encore de nombreux atouts, mais la crise de l’euro a révélé ses faiblesses. Cela fait des années qu’elle perd de sa compétitivité face à l’Allemagne et le fossé ne cesse de se creuser depuis que les Allemands ont réduit leurs coûts et entrepris de grandes réformes. Ne pouvant pas dévaluer sa monnaie, Paris a eu recours à la dette publique. Alors que d’autres pays européens parvenaient à limiter le poids de l’Etat dans leur budget, celui de la France représente presque 57% du PIB, le chiffre le plus élevé de la zone euro. …
… »
« La bombe française », The Economist, 17 novembre 2012, publié dans Courrier International, n° 1151, du 22 au 28 novembre 2012
Deux synecdoques peuvent être décelées dans cet extrait.
D’abord, dans « Paris a eu recours à la dette publique », « Paris » ne désigne pas une ville, mais un acteur, à savoir le gouvernement français, nommé ainsi parce qu’il est installé à Paris, ce qui fait par ailleurs de cette ville la capitale de la France.
De plus, dans « limiter le poids de l’Etat dans leur budget », il faut remplacer « budget » par « PIB ». Si l’on ne fait pas cette opération mentale, la phrase devient (ou plutôt demeure) absurde. Comment limiter le poids de l’Etat dans le budget de l’Etat ? Les dépenses publiques représenteront toujours 100% des dépenses publiques. Les recettes publiques, toujours 100% des recettes publiques.
En réalité, - et la suite de la phrase la corrige bien dans ce sens -57% représente le poids de l’Etat (plus précisément des dépenses des collectivités locales, des organismes de protection sociale et, enfin, de l’Etat français), dans le PIB de la France.
Il reste que cette confusion entre budget et PIB, qu’elle soit due à l’auteur ou au traducteur, révèle, sur le mode du lapsus, une tendance à la confusion entre Etat et nation.
« …
La dépendance du Vénézuela vis-à-vis des importations constitue un vrai casse-tête pour Nicolas Maduro, successeur de Chavez. Les finances publiques sont dans une situation délicate. Le déficit budgétaire représentait 12% du PIB en 2012, soulignent les analystes, … »
Sara Schaefer Munoz : « Hugo Chavez bienfaiteur des agriculteurs américains », The Wall Street Journal, 18 août 2013, repris par Courrier International, n°1193 du 12 au 18 septembre 2013 p 40.
Cet extrait décrit la situation économique du Vénézuela par une accumulation de faits juxtaposés mais présentés de telle sorte que leur articulation paraît sous-entendue.
Ainsi, il n’existe a priori aucun rapport entre la dépendance du Vénézuela à l’égard des importations et la situation des finances publiques. Cependant, leur évocation respective, la seconde à la suite de la première, pourrait laisser penser le contraire : A cause du casse-tête de la dépendance à l’égard des importations, les finances publiques seraient dans une situation délicate (le déficit budgétaire représentant 12% du PIB en 2012). Ce n’est évidemment pas la pensée de l’auteur, à moins que…la synecdoque désignant les importateurs vénézueliens par « le Vénézuela » n’ait introduit une confusion entre la nation et l’Etat.
En tout cas, si articulation il y a, il nous manque des éléments pour la reconstruire.
La personnification des marchés
« Les marchés sont décidément bien facétieux. Très hétéroclites - … - ils adorent jouer à se faire peur.
…
C’est ainsi qu’il y a deux mois, à la veille de la trêve estivale, les “marchés”, donc, se gargarisaient des risques potentiels qui les menaçaient…. »
« Le bel été des grandes Bourses mondiales », lemonde.fr, 24 août 2013
Un marché est un lieu de rencontre entre une offre et une demande. L’offre et la demande sont respectivement l’addition de multiples offres et de multiples demandes, portant sur des produits, des facteurs de production, des titres. Par exemple, le marché financier concerne des titres de prêt (obligations) ou de propriété (actions). Une Bourse est un marché « d’occasion » organisé» de ces titres.
Sur un marché opèrent des acteurs : les vendeurs et les acheteurs, représentés souvent par des intermédiaires. Dans le cas des marchés financiers, ces intermédiaires sont des sociétés de Bourse (ex agents de change), des banques, des « traders », des organismes de placement collectif de valeurs mobilières, des fonds de pension…
Beaucoup de ces acteurs ne sont motivés que par l’espérance d’un gain à la revente de l’actif qu’ils achètent. Leurs décisions sont donc mues par l’idée qu’ils se font de l’avenir : ils anticipent. Or, l’avenir est intrinsèquement porteur d’incertitude. Les acteurs sont donc contraints de se décider uniquement en fonction des sentiments qu’ils éprouvent à propos de cet avenir : crainte, espoir, optimisme, pessimisme…
Ces sentiments, parce qu’ils exercent effectivement une influence sur leurs décisions et, par conséquent, sur l’évolution des tendances de ces marchés, sont purement et simplement projetés des acteurs opérant sur les marchés vers ces marchés eux-mêmes, comme si ces derniers étaient des sujets.
Voilà que les Bourses « applaudissent », « saluent » tel ou tel événement, « se réjouissent » de tel autre, ou au contraire « s’affolent », « manifestent leur inquiétude » ; tandis que « les marchés » « craignent », « sous-estiment », « attendent », « prévoient », « s’inquiètent », « reprennent leurs esprits ». Il faut les « rassurer », moyennant quoi ils peuvent être « facétieux » ; mais savent aussi « sanctionner ».
C’est un véritable jeu d’enfant que d’aller pêcher (métaphore !) quelques titres d’articles de presse témoignant de ce transfert. Ci-dessous, c’est Le Monde (lemonde.fr) qui en est la victime. Cela aurait pu être n’importe quel autre organe médiatique.
« Le retour des fusions-acquisitions ravit la Bourse », 10 mai 2014.
« La Bourse salue la reprise des fusions-acquisitions », 7 avril 2014
« La Bourse se réjouit à la perspective du retour des fusions-acquisitions », 22 mars 2014
« Alcatel-Lucent : la Bourse applaudit, les salariés s’inquiètent », 6 février 2014
« Les Bourses applaudissent le volontarisme du futur président », 26 novembre 2008.
« Les Bourses manifestent leur inquiétude », 4 février 2014.
« Les Bourses mondiales s’affolent », 15 septembre 2008.
« Les Bourses veulent croire à la fin de la crise bancaire », 3 avril 2008.
« Les marchés craignent un effondrement du dollar et de la livre », 20 décembre 2008
« Les marchés ont sous-estimé le prix du risque », Le Monde Economie, 16 décembre 2008.
« Les marchés attendent un geste historique de la BCE », lemonde.fr, 30 novembre 2008
« Les marchés prévoient une fonte des bénéfices », 16 octobre 2008
« Les marchés boursiers en Europe et en Asie reprennent leurs esprits », 14 octobre 2008.
« Les marchés s’inquiètent des risques pris par les assureurs dans leurs placements », 11 octobre 2008.
« Il faut rassurer les marchés financiers », 27 septembre 2008.
« Les marchés financiers ont du mal à se rassurer », 24 septembre 2008.
« Le plan des pouvoirs publics américains rassure les marchés », 20 septembre 2008.
« Les marchés sanctionnent la guerre russe en Géorgie », 24 août 2008.
« Les marchés veulent croire à la fin de la crise », 20 avril 2008
« Les marchés espèrent une nouvelle baisse des taux de la Fed », 31 janvier 2008.
Gestion : qu’est-ce qu’un « produit » ?
Les produits désignent en comptabilité des sommes d’argent ou de valeur qui rentrent, des recettes au moins potentielles, sinon réelles. Pourquoi les appeler produits ?
Par métonymie (ou synecdoque). Si l’argent rentre, c’est grâce à des ventes ; pour que des ventes aient lieu, il a fallu d’abord produire ce que l’on vend. L’appellation « produit » consiste à désigner un fait comptable par sa cause.
Variante de la définition
« Trope qui permet de désigner quelque chose par un terme dont le sens est l’inverse de celui du terme propre. »
Exemple : « Les gens sont déjà en train de travailler plus pour gagner plus. Donc, on ne voit pas du tout ce que les 35 heures résoudraient comme problème à l’hôpital public… » (Agnès Hartemann, cheffe du service diabétologie et coordinatrice du collectif interhôpitauxà la Pitié-Salpêtrière, invitée de Léa Salamé, France Inter, 25 mai 2020, 7 h 50).
En fait, dans ce contexte, « les 35 heures » désigne « la suppression (ou remise en cause) des 35 heures ».
Idem lorsque parfois, on utilise le raccourci : « l’ISF » pour « la suppression de l’ISF »)
[1] Question posée par la journaliste Dorothée Barba à l’écrivaine Lucile Bellan, à propos de l’éducation de sa fille. France Inter, « L’été comme jamais », 23 juillet 2021, 9 h 09. Thème du jour : « Peut-on avoir des enfants et des principes ? »