Je vous propose de partager avec moi une hypothèse originale : sur la scène sociale et internationale, on peut transposer les outils de l’économie. Économiste, je suggère qu’on peut établir une analogie entre les concepts de l’économie et ceux des relations sociales et internationales.

Analogie avec le circuit économique

Sur la scène sociale et internationale, les actes s’échangent contre les paroles comme les biens s’échangent contre la monnaie.

Les actes ont toujours une signification : faire c’est dire.

 

Les paroles ont toujours des effets : dire, c’est faire. (4e exploration)

Analogie avec le marché

Dans un marché de « concurrence pure et parfaite »[1], chaque intervenant, qu’il soit vendeur ou acheteur, considère le prix comme une donnée qui s’impose à lui.

De même, dans les appareils d’Etat, la dilution du pouvoir caractéristique de l’exercice de l’autorité « rationnelle-légale »[2] aboutit à ce que chacune des personnes physiques représentant l’État considère l’autorité comme extérieure à elle, alors même qu’elle en détient une parcelle.

Une des conditions de la « concurrence pure et parfaite » est la « transparence du marché » : chaque intervenant posséderait toutes les informations et en posséderait autant  que tous les autres.

La transparence n’est jamais parfaite, mais l’information circule. Sur la scène internationale, je pose en principe que la pensée des États est transparente. Telle est la principale différence entre un État et un individu : on peut lire dans les pensées d’un État (5e exploration)

 

Chaque responsable diplomatique sait :

         que sa parole est inutile lorsqu’elle prétend révéler des faits, des positions à des interlocuteurs qui les connaissent d’avance et feignent de les ignorer (5e exploration) ;

         que sa parole est insincère quand elle invoque la morale lorsque l’intérêt est en jeu ;

         que sa parole est, en soi, sans effet sur le réel ;

         que son travail de médiation n’a pas de valeur ajoutée (7e exploration) ;

         que tel ou tel de ses  interlocuteurs n’est mandaté par personne (8e exploration) ;

 

 

Il n’est cependant pas sûr que tous les autres aient la même lucidité : il craint donc le désaveu s’il renonce, seul, à la « langue de bois », au langage convenu, aux messages sans contenu (4e exploration

 

 



[1] Selon la terminologie de l’école économique néo-classique, appartenant au courant libéral.

[2] Selon Max Weber

Et si on introduit le temps, qu'est-ce qui se passe ?

L’anticipation par les États des promesses et des menaces, des risques de subir des pressions matérielles, oriente les structures et les flux économiques en fonction de leurs relations politiques. Loin de refléter l’économique, le politique l’instrumentalise (1re exploration).

Même si chaque acteur ou observateur ne croit pas à ces risques, il pense que d’autres y croient et doit en tenir compte(6e exploration)

Cette instrumentalisation peut conduire à une escalade qui ressemble à la formation des bulles financières. On évoque cette image lorsque, sur un marché quelconque, le prix d’un actif s’élève bien au-delà de sa « valeur », avant de retomber brutalement.

En relations internationales, le commentaire des observateurs surévalue le poids de la monnaie des paroles au détriment de la réalité des actes.  (4e exploration)

La complexité du réel est voilée par l’usage de la métaphore (axe chiite, sunnite, orthodoxe) (deuxième  et troisième  explorations)

En relations internationales, on reconnaît une bulle à ce que le dénouement d’un conflit en révèle la vanité, et révèle que tous les protagonistes en sortent perdants (cf., "Toutes les bulles ne sont pas financières", et  Conclusion des 8 explorations)

 

L’anticipation par les gouvernants des risques de la perte du pouvoir motive de leur part l’usage du principe de précaution. Il ne faut pas déplaire au peuple, on ne sait jamais ! Les démocrates anticipent à court terme, les autocrates, à long terme.

Comme sur les marchés économiques, la parfaite transparence est un mythe. La capacité à lire dans le cerveau des États est réelle mais limitée à une élite.

Voilà pourquoi la communication diplomatique manie la prétérition, le double langage, le sous-entendu, et doit être lue entre les lignes. (4e exploration)

 

Sur les marchés financiers, le spéculateur se représente la représentation que les autres se font du prix d’un actif, sans pour autant la faire sienne. L’ensemble des intervenants finit par lui attribuer une valeur à laquelle aucun ne croit réellement ("Toutes les bulles ne sont pas financières").

De même, sur la scène politique et sociale, l’anticipation par les acteurs individuels en représentation du comportement des autres acteurs individuels en représentation peut les conduire à penser contre eux-mêmes, à agir davantage en fonction des attentes des autres que de leurs propres convictions. « Si ce n’est pas moi qui le fais, un autre le fera, et ce sera pire ».

 

Parfois, l’incertitude qui accompagne ces anticipations produit la peur.

La peur atteint les individus.

Voyez dans narrations le rôle qu’elle joue dans les tournants historiques de basculement du pouvoir, comment elle paralyse, se généralise, change de camp…

 

 

La peur atteint aussi les États. Elle fait les alliances (deuxième  et troisième explorations). Chaque État a peur de tous les autres. Je plaisante, il s’agit bien sûr d’une métonymie. Ce sont les représentants des États qui ont peur. Ils ont peur pour leurs États, mais, à travers eux, pour eux-mêmes.   

Pour aller plus loin :

Lire l'introduction aux 8 explorations internationales...

Télécharger
Introduction.pdf
Document Adobe Acrobat 204.6 KB

En lire un résumé...

Télécharger
Résumé - introduction.pdf
Document Adobe Acrobat 114.9 KB

Faites un don à la recherche :

Déposez votre commentaire

Commentaires: 0