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Toute ressemblance avec la réalité serait fortuite

Le 7 janvier 2015, à Paris, deux terroristes pénètrent dans les locaux du journal satirique Charlie Hebdo et déciment la rédaction à coups de kalachnikov, avant de s’enfuir en voiture. Le surlendemain, les clients d’un supermarché casher de la porte de Vincennes sont pris en otage par un autre tueur qui, comme les deux premiers, se réclame d’un salafisme jihadiste[1]. Tous trois seront abattus lors d’assauts conduits par des unités d’élite de la police et de la gendarmerie (RAID et GIGN).

         Le 13 novembre 2015, des attaques coordonnées visent en même temps trois points de la capitale française. Des kamikazes déclenchent leurs ceintures d’explosifs aux abords du Stade de France, où se dispute une rencontre importante de football, en présence d’une foule très dense comprenant notamment le président de la République. En même temps, d’autres terroristes mitraillent des terrasses de cafés dans les 11e et 12e arrondissements. D’autres, enfin, pénètrent dans la salle du Bataclan en tirant sur les spectateurs venus assister à un concert de musique rock. Le bilan est de 129 morts et plus de 350 blessés.

         La riposte de l’État français ne se fait pas attendre. Dès le soir du 15 novembre, le président François Hollande décrète l’état d’urgence et déclare : «…Face à la terreur, la France doit être forte,...».

         Mercredi 18 novembre, à 4 h 20, l’aviation bombarde un petit immeuble de la rue du Corbillon, situé dans la vieille ville de Saint-Denis, où s’était réfugié le commanditaire présumé des attentats, un certain Abdelhamid Abaaoud. L’immeuble est entièrement détruit. Le corps  d’Abaaoud sera retrouvé dans les décombres, parmi 33 autres restes de « victimes collatérales ».

         Mais très vite l’enquête s’oriente sur la petite ville de Molenbeek, dans la banlieue de Bruxelles, où résidaient certains kamikazes retrouvés morts et où se sont réfugiés les survivants en fuite, dont, parmi eux, un certain Salah Abdeslam.

         Les jours passant, face à l’inertie supposée de la police belge, le gouvernement français perd patience. L’opinion attend réparation et vengeance face au traumatisme subi le 13 novembre et les autorités en ont parfaitement conscience.

         Après réunion d’un comité de défense rassemblant autour du président de la République les ministres respectifs de la Défense et de l’Intérieur, ainsi que le chef d’état-major des armées, l’ordre de décoller est donné à une escadrille d’avions de chasse Rafale, qui bombardera quelques heures plus tard l’immeuble censé abriter le « nid de terroristes ». Le roi des Belges protestera de manière aussi véhémente qu’inutile. Le premier ministre belge Charles Michel se déclarera indigné de n’avoir été averti de l’opération que quatre heures avant son déclenchement. Les services de secours belges ressortiront des décombres une vingtaine de cadavres, mais pas un seul terroriste identifié en tant que tel parmi eux. Il fallut se rendre à l’évidence : la plupart des suspects avaient réussi à s’échapper en se dispersant dans la capitale belge.

         Le 19 novembre, une colonne de chars français AMX-30 franchit la frontière et encercle la capitale belge, coupant toute communication avec l’extérieur, tandis que l’aviation pilonne Molenbeek sans relâche pendant 12 jours consécutifs. Les bombardements visent plusieurs bâtiments soupçonnés d’abriter des terroristes. Les informations des agents de la DGSE présents sur le sol belge étaient formelles : Abdeslam se cachait dans une école élémentaire bruxelloise et un de ses complices, dans un hôpital. Les autres se terraient dans divers immeubles d’habitation parfaitement identifiés. Tous ces bâtiments sont rasés.

         L’approvisionnement de la ville en denrées alimentaires se fait au compte-goutte. Les organisations humanitaires habilitées à faire parvenir de la nourriture sont triées sur le volet. Le croissant Vert, soupçonné de complicité avec les jihadistes, est naturellement exclu. Action Contre la Faim et Médecins Sans Frontières réitèrent des jours durant leur demande d’habilitation. Lorsqu’ils sont enfin autorisés à intervenir, ils ne peuvent le faire que sous contrôle de l’armée française : chaque cargaison de nourriture, chaque caisse de matériel médical fait l’objet d’une fouille minutieuse, qui cause d’interminables files d’attente.

         L’affaire fit grand bruit. Elle créa un précédent dangereux. En effet, il fallait remonter aux années 1970 pour voir l’armée d’un État-membre de l’OTAN intervenir dans un autre État-membre sans son autorisation. Si l’on met à part le cas très particulier du conflit gréco-turc, cela n’arriva qu’une fois : en  1975, quelques semaines avant de mourir, le général Franco, prenant prétexte de la présence dans le sud-ouest de la France de militants basques membres de l’ETA, envoya son aviation bombarder les villes de Biarritz, Bayonne et Bordeaux. On s’en souvient.

 

         Rassurez-vous, tout cela est faux. Presque tout cela. Il arrive qu’on s’endorme en revivant des faits réels, que le rêve transforme en les déformant, en les amplifiant, jusqu’à ce que le rêve tourne peu à peu au cauchemar.

         En effet, dans la réalité, la lutte contre le terrorisme ne prend jamais la forme de la guerre, surtout entre voisins. Dans la réalité, aucun État ne fait de la guerre un moyen de punition collective.

         Jamais...

         Nulle part...

 



[1]Le salafisme est une version réactionnaire et minoritaire de l’Islam (en arabe, « salaf » signifie « ancêtre » ; littéralement : « ceux qui nous ont précédés »). Le jihadisme en est une version sanguinaire, encore plus minoritaire.

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Commentaires: 2
  • #1

    Elodie (mercredi, 09 juillet 2025 08:37)

    Une telle histoire me semblerait abhérente, mais je me dis que dans certains pays, cela aurait bien pu se passer comme cela.. Y-aurait-t-il un lien presque direct avec une situation réelle ?

  • #2

    André (mercredi, 09 juillet 2025 11:00)

    Mais oui, Elodie. La même chose se passe à Gaza, en pire.