Vous devez lire ce chapitre si vous pensez :
Que le circuit économique est toujours équilibré
Que le circuit économique n’est jamais équilibré
Que l’épargne est de l’argent mis dans un « bas de laine »
Que dépenser et consommer c’est la même chose
Que la propension marginale à consommer est la tendance qu’ont les « marginaux » à boire de l’alcool
Que le multiplicateur est un concept de l’arithmétique et rien d’autre
…
Nous avons vu dans la leçon précédente que, grâce aux intermédiaires financiers, le flux monétaire du circuit économique peut se renouveler sans perte : les revenus distribués peuvent être toujours tous réutilisés.
Cette hypothèse se traduit par :
Revenus distribués aux ménages = dépenses totales des différents acteurs
Le revenu des ménages se décompose selon ses utilisations : consommation et épargne
La dépense des acteurs se décompose selon sa fonction : consommation des ménages et investissement des entreprises
C + E = C + I
Avec :
E: Epargne
I : Investissement
C: Consommation
D’où E = I
Cette égalité ne désigne pas un acquis, mais une condition de l’équilibre.
Deux conceptions existent, des conditions de cet équilibre.
E et I dépendent d’un même déterminant : le taux d’intérêt, prix du capital
E est l’offre de capital
I est la demande de capital.
Le taux d’intérêt peut prendre plusieurs formes selon la forme de l’apport en capital
Le taux d’intérêt pour un prêt, pour une obligation ;
Les dividendes pour une action
Le taux de profit quand le capital est utilisé directement.
1 Que se passe-t-il si E > I ?
Le taux d’intérêt baisse
L’offre diminue (épargne) au profit de la consommation
La demande (investissement) augmente, jusqu’à ce que E = I
2 Que se passe-t-il si I > E ?
Le taux d’intérêt augmente
L’offre augmente (épargne) au détriment de la consommation
La demande diminue (investissement), jusqu’à ce que I = E
Détermination de l’épargne
E dépend du revenu.
L’épargne des ménages est liée à leurs revenus. Plus on gagne, plus on épargne, bien que dans des proportions moindres. Cela est conforme à une triple hypothèse :
1re hypothèse : Il existe une consommation incompressible C
2e hypothèse : La propension marginale à épargner est constante
Définition :
La propension marginale à épargner (em) est le supplément d’épargne (dE) causé par un supplément de revenu (dR)
em = dE / dR
3e hypothèse : La propension moyenne à épargner augmente quand le revenu augmente
Définition :
La propension moyenne à épargner e est la part de l’épargne dans le revenu d’un ménage ou de l’ensemble des ménages
e = E / R ou e = E / RN (avec RN = Revenu National)
Démonstration :
A partir d’un exemple, avec une consommation incompressible de 1 000 € (par mois), et une propension marginale à épargner de 0,5.
|
Année n |
Année n +1 |
Année n + 2 |
Année n + 3 |
Revenu mensuel R |
1 000 |
1 100 |
1 200 |
1 300 |
Consommation mensuelle C |
1 000 |
950 |
1 000 |
1 050 |
Epargne mensuelle E |
0 |
50 |
100 |
150 |
Propension moyenne à épargner e |
0 |
50 / 1 100= 0,045 |
100 / 1 200 = 0,083 |
150 / 1 300 = 0,115 |
Propension marginale à épargner em |
Sans objet |
50/100 = 0,5 |
Détermination de l’investissement
I dépend de l’ « efficacité marginale attendue du capital », qui dépend elle-même de la demande anticipée.
Définitions :
Efficacité : terme utilisé par Keynes pour désigner la productivité
Efficacité marginale : productivité d’une unité supplémentaire de capital (exemple : une machine supplémentaire dans une entreprise qui en compte un certain nombre).
Efficacité marginale attendue : c’est celle que les entrepreneurs imaginent pour le futur.
Demande anticipée : demande à laquelle s’attendent les entrepreneurs dans le futur
Démonstration :
Les entrepreneurs n’investissent que s’ils s’attendent retirer de leurs investissements un profit au moins égal en % au taux de l’intérêt.
Le profit dépend de l’efficacité du capital.
Un investissement est l’apport d’une unité supplémentaire de capital.
Le profit d’un investissement dépend de l’efficacité de cet investissement, donc de l’efficacité marginale du capital.
Celle-ci dépend de la demande adressée par les consommateurs aux entreprises. En effet, sans demande supplémentaire, les nouveaux équipements fonctionneraient au-dessous de leur capacité de production.
L’investissement étant un engagement à moyen terme, les entrepreneurs ne le décident qu’en fonction de ce qu’ils imaginent du futur, ou encore de leurs anticipations.
Conclusion sur les hypothèses keynésiennes :
Indirectement, l’investissement dépend du taux de l’intérêt (ceci est un point commun avec l’approche libérale néo-classique).
Cependant, l’épargne ne dépend pas du taux d’intérêt, mais du revenu des ménages (ceci est une différence avec l’approche libérale néo-classique).
L’investissement et l’épargne dépendent de facteurs différents.
Il n’y a donc aucune raison a priori que l’investissement et l’épargne coïncident.
1 Que se passe-t-il si E > I ?
Il y a une « fuite » hors du circuit (thésaurisation)
Voir leçon 1 : « le circuit », schéma n° 3
Comme le flux monétaire 4 < 3,
(3 + 4 + 5) < (1 + 2)
Baisse du revenu national (RN), récession
Or, RN = C + E
Il y a une relation constante entre le revenu, la consommation et l’épargne (caractère constant à court terme de la propension à épargner et à consommer)
Donc, baisse de l’épargne, jusqu’à ce que E = I.
L’équilibre comptable est réalisé, mais c’est un équilibre de sous-emploi.
2 Que se passe-t-il si I > E ?
Il y a une injection d’argent dans le circuit.
Une même somme circule entre des mains différentes :
c’est le multiplicateur.
Exemple (fictif)
On suppose une propension marginale à consommer égale à 0,6 (soit une propension marginale à épargner de 0,4).
Numéro du flux |
Description du flux |
Montant (en millions d’euros) |
1 |
Les banques ont accordé aux entreprises d’aménagement paysager des crédits pour … |
1 00 |
2 |
Les entreprises d’aménagement paysager ont investi en achetant avec cette somme des minipelles et autres engins agricoles |
1 00 |
3 |
Les constructeurs d’engins agricoles ont versé une partie de cette somme à leurs salariés, une autre partie à leurs actionnaires et une dernière partie à leurs fournisseurs de matières premières. |
100 |
4 |
Leurs fournisseurs de matière première ont versé une partie de la somme qu’ils ont reçue à leurs salariés, une autre partie à leurs actionnaires et une dernière partie à leurs propres fournisseurs de matières premières. |
|
5 |
Ainsi de suite. Quelle somme se retrouve entre les mains des ménages ? |
|
6 |
Les ménages consacrent la moitié de leur consommation à l’alimentation et l’autre moitié à l’habillement. |
100 |
7 |
Les entreprises de la filière alimentaire versent une partie de la somme qu’ils ont reçue à leurs salariés, une autre partie à leurs actionnaires et une dernière partie à leurs fournisseurs de matières premières, soit au total |
0,6 x 50 |
8 |
Les entreprises de la filière habillement versent une partie de la somme qu’ils ont reçue à leurs salariés, une autre partie à leurs actionnaires et une dernière partie à leurs fournisseurs de matières premières, soit au total |
0,6 x 50 |
9 |
Ainsi de suite. Quelle somme se retrouve à nouveau entre les mains des ménages ? |
1 00 x 0,6 |
10 |
Ces ménages consacrent la moitié de leur consommation à l’alimentation et l’autre moitié à l’habillement. Quelle est leur consommation totale ? |
0,6 x 0,6 x 100 |
|
Combien de fois au total 1 00 millions ont-ils été dépensés ? |
3 fois |
11 |
Si l’on s’arrête là, quelle est la dépense totale de consommation occasionnée par ce crédit de 1000 ? Réponse ci-dessous : |
|
|
100+ 0,6 x 100+ 0,6 x0,6 x 100 |
|
|
Et si on continue un coup ? Réponse ci-dessous : |
|
|
100 + 0,6 x 100 + 0,6 x0,6 x 100 + 0,6 x 0,6 x 0,6 x 100 |
|
|
Et si l’on ne s’arrête jamais ? Formule générale ci-dessous : |
|
|
100 x (1 + 0,6 + 0,62 + …) Tend vers 100 x 1/1-0,6 |
|
|
Et avec c= propension marginale à consommer, et I = somme investie (réponse ci-dessous) : |
|
|
I x (1/1-c) |